À travers ses collages et peintures, Stefan Kübler démontre sur un mode esthétique qui recourt à la déconstruction du motif, comment l’image peut à la fois mettre à distance le spectateur et le séduire. Son travail constitue une remise en question du mode de production de l’œuvre en jouant avec les conditions de l’accès à l’information ainsi que les différents modes de cognition.
(c)Stefan Kübler
En réalisant des mosaïques de papier à partir de cartes postales et d’emballages divers, qu’il découpe et juxtapose, il dénature le motif qu’il transforme jusqu’à l’abstraction par parcellisation, duplication et juxtaposition. Le regard cherche l’éventuel sujet, se perd et se fourvoie pour arriver au constat que le détail relève ici du génome : A contrario du principe holiste selon lequel un phénomène ne peut être compris que dans son ensemble, Kübler charge le détail de l’essence du message et invite l’œil à en décoder la richesse.
Kübler peint largement et finement à l’acrylique sur une plaque de verre en superposant de nombreuses couches de peinture. Il décolle la couche picturale sèche et la maroufle sur une toile en inversant le sens de lecture. En inversant – au sens propre – la couche picturale, il joue ainsi avec le mode de perception classique de l’œuvre. Il surprend son propre regard en condamnant la porte d’accès chimérique à la subjectivité originelle, l’image primitive, l’œil créateur.
Le regard est envoûté par l’éclat d’une couche picturale parfaitement lisse ainsi que par la subtilité et l’intensité des couleurs. Acculé optiquement au vertige, le spectateur n’a pas d’autre choix que d’entrer en mouvement pour tenter de saisir la toile. Le spectateur met son corps entier à contribution pour effectuer la mise au point, renforçant l’effet de mouvement interne des toiles figuratives comme abstraites.
Tallygold, 2008
(c)Stefan Kübler, Courtesy Hamish Morrison Galerie
Stefan Kübler explore à travers ces deux techniques particulièrement raffinées le mode de fonctionnement même de l’image. Il interroge d’une façon intellectuelle et sensible les mécanismes de construction de la réalité, ainsi que les modes de perception. Que ce soit l’impossible mise au point dans sa peinture ou l’effet cinétique et la dissimulation du sujet produits par l’accumulation dans ses collages, Kübler invite à entrer activement dans l’image et à la vivre à la manière d’un voyage. En interdisant la préhension globale et immédiate du réel, il contraint l’observateur à recourir au mouvement et donc au temps. Dans une culture saturée d’images souvent réduites à leur statut d’information devant être consommées et digérées à un rythme frénétique, Kübler nous propose une rééducation du regard et nous invite à refaire l’expérience de l’image.
Stefan Kübler, né en1968 à Balingen en Allemagne est diplômé en peinture à la Hochschule für Bildende Künste de Dresde, ou il fût Meisterschuler dans la classe de Ralf Kerbach. Il vit et travaille aujourd’hui à Leipzig.
WordPress:
J’aime chargement…
Articles similaires