RAQIB SHAW : OF BEASTS AND SUPER-BEASTS

 La Galerie Thaddaeus Ropac est très heureuse de présenter Of Beasts and Super-Beasts, la première exposition personnelle de Raqib Shaw, artiste d’origine indienne installé à Londres. L’artiste présente un déploiement d’œuvres sur papier sur les deux étages de la galerie.

L’accrochage de ces dessins comme en expansion sur le mur semble évoquer cette superposition de merveilles, d’objets de curiosité et de vanité exhibés sur les dressoirs tels qu’ils sont représentés dans leswunderkamer des princes de la Renaissance ou les peintures du Veronèse. Le spectateur pénètre dans l’espace de la galerie comme il entrerait dans la salle  d’un château où le festin serait dressé, invitation de l’artiste au rêve et au voyage à travers l’art et ses références. Celles-ci empruntent à un imaginaire puissant mêlant des personnages mythologiques à mi-chemin entre l’homme et l’animal, évoluant dans des environnements précieux et fantastiques, naturels et ciselés comme des pièces d’orfèvrerie.

À partir de son œuvre Paradise Lost en 2011, les figures anthropomorphes à têtes d’oiseau, de crocodiles ou encore de tigre, à mi-chemin entre le dieu et le héros, manipulent des coupes ornées à pied en forme de griffon, des  aiguières à anses en col de cygne et d’autres coupes avimorphes. Inspiré du style Empire caractéristique de l’art européen et plus particulièrement français du début du XIXe siècle, Raqib Shaw a alors commencé à créer un univers qui trouve son aboutissement avec Of Beasts and Super-Beasts, son exposition parisienne. Sous l’impulsion des commandes de Bonaparte devenu Napoléon Ier, les architectes Charles Percier et Pierre Fontaine ont su imposer un style reposant sur les règles fondamentales de l’Antiquité et de l’art romain en particulier. L’ornementation Empire est dominée par un esprit de symétrie renouant avec l’équilibre hiératique du style de Louis XIV. Le répertoire iconographique fait appel aux têtes antiques, aux victoires, aux drapés spécifiques et aux ornements symétriques et symboliques ; le cygne, les palmettes et les allégories égaient un style cependant sévère et mesuré. Ce style est diffusé à travers toute l’Europe par les deux architectes décorateurs qui ont publié le fameux « recueil de décoration intérieur concernant tout ce qui a rapport à l’ameublement (1812)». C’est précisément cet ouvrage qui a en parti nourri l’imagination de Raqib Shaw.
Pour l’exposition de la Galerie Thaddaeus Ropac, Shaw a choisi de poursuivre cette réflexion menée sur le dessin, l’ornement, la peinture, le style et sa perception. Les dessins présentés comme une installation invitent le spectateur à considérer le décor à la fois dans le détail et dans son ensemble. Chaque dessin est tracé au trait, repris à l’encre et à la peinture puis rehaussé d’émail, de strass et de dorure. Cette esthétique précieuse est destinée à recréer un univers fantasmagorique où le mystère règne avec l’étrange et l’expérience du sublime peut conduire selon l’artiste à « l’overdose sensorielle ».
Le style de Raqib Shaw ferait presque référence au premier style Empire ; celui du Général Bonaparte revenant triomphant de l’Egypte chargé de trésors mystérieux. Les sphinges, créatures et dieux à mi-chemin entre l’homme et l’animal font alors rêver un occident qui se remet du bain de sang révolutionnaire et se prépare aux guerres napoléoniennes. On passe d’un style à l’autre en même temps que l’on passe d’une monarchie à un empire. L’Art est alors plus politique que jamais, et le style de Percier et Fontaine est la démonstration de cette nouvelle puissance. Raqib Shaw crée dans la Suite Of The Rouge Boudoir Of Beasts un univers où l’animal exprime la nature primaire de cette force sensuelle et excessive où la violence est légitime. À l’instar des figures mystérieuses de Jérôme Bosch, Shaw exprime à travers l’animal l’angoisse contemporaine d’un monde faussement policé où les instincts fondamentaux sont refoulés et soigneusement dissimulés. Il inclut dans les ornements des caractères toujours présents et actifs. Ces paradoxes sont visibles dans le détournement syncrétique des modèles d’ameublements tels que les cartels au style rigide à chapiteau de temple égyptien décorés de grecques, à guirlandes de fruits portées par des mascarons à tête de bélier. Ce mobilier, flambeaux, cratères, lustres et motifs fidèles au classicisme de l’Empire sont enrichis par Raqib Shaw de scènes animales faussement bucoliques, d’ours et de singes se livrant à des activités parodiant notre propre perception de la société et du pouvoir.

Of Beasts and Super-Beasts semble dépasser la question du décoratif pour interroger le rôle de l’art dans la société occidentale. Comment l’art a t il pu servir à codifier les rapports sociaux entre les hommes ? La surenchère dans le raffinement peut-elle permettre à l’homme d’échapper à sa propre animalité?

Raqib Shaw a quitté en 1998 l’Inde et le Kashmir où il a grandi pour Londres où il a étudié et où il réside aujourd’hui. Il est diplômé du Saint Martins College de Londres et a depuis exposé dans des expositions de groupe dont « Without Boundary » MoMA New York (2006), « Around the World in Eighty Days », ICA Londres (2006), le Suntory Museum d’Osaka, Japon (2009) et la 17ème Biennale de Sydney (2010). Ses expositions personnelles récentes incluent le Metropolitan Museum, New York (2008) et la Kunsthalle de Vienne (2009).  retrouvez ce texte et des visuels sur le site de la galerie Thaddaeus Ropac
Retrouvez ce texte sur le site de la galerie Thaddaeus Ropac 

 ___________________________________________________________English
Galerie Thaddaeus Ropac is delighted to present Of Beasts and Super-Beasts, the first solo exhibition of Raqib Shaw, an Indian-born artist living in London. Shaw’s works on paper are displayed on both floors of the gallery.  
These drawings, displayed along the walls, superpose wonders, curios and vanitas. They are exhibited as if on sideboards, like those represented in the wunderkamer of Renaissance princes or the paintings of Veronese. The viewer comes into the gallery space as though one enters the hall of a château where a feast has been laid out: it is the artist’s invitation to dream and voyage through art and its references. These references borrow from a powerful imaginary world, one that brings together mythological man-animal characters. The characters evolve within precious and fantastical settings, fitted and chiselled like the work of a goldsmith.  
Stemming from his Paradise Lost œuvre in 2011, the anthropomorphic figures have heads like birds, crocodiles or even tigers, somewhere between gods and heroes. They hold bowls with griffon bases, pitchers with swan neck handles, and other avian-adorned pieces. Inspired by the Empire style typical of European—and more specifically French—art from the early 19th century, Raqib Shaw began to create a universe that culminated in his Parisian exhibition Of Beasts and Super-Beasts.  Architects Charles Percier and Pierre Fontaine, commissioned by Bonaparte (later Napoleon I), had the foresight to impose a style that highlighted the fundamental rules of Antiquity, particularly of Roman art. The Empire-style ornamentation is predominated by a symmetry that ties in with the Louis XIV-style hieratic equilibrium. The iconographic repertoire calls on antique heads, victories, specific drapes and symmetrical, symbolic ornaments. The swan, the palmettes and the allegories brighten a style that is otherwise severe and measured. The two architect-decorators diffused this style all across Europe, and published the famous “interior decorator compendium related to all furnishings” (1812). It is precisely this compendium that fed Raqib Shaw’s imagination.  

For the exhibition at Galerie Thaddaeus Ropac, Shaw has pursued this approach by focusing on drawing, the ornament, painting, style and its perception. The drawings, presented in the form of an installation, invite the viewer to consider the décor both in the details and as a whole. Each work is a line drawing repurposed with ink and paint and then further enhanced with enamel, lead glass and gilding. This precious aesthetic is intended to recreate a phantasmagorical universe, one where the mysterious and the unusual reign, and where the experience of the sublime may lead, according to the artist, to “sensorial overdose”.  

Raqib Shaw’s style is almost akin to that of the first Empire style: that of General Bonaparte returning triumphantly from Egypt, laden with strange treasures. Sphinxes, man-animal hybrids and gods, triggered the imagination of the Western world, which was recovering from revolutionary bloodshed and readying itself for Napoleonic wars. As we pass from a monarchy to an empire, we pass from one style to another. Art is thus more political than ever, and Percier and Fontaine’s style illustrates this new power. Raqib Shaw creates, in the Suite Of The Rouge Boudoir Of Beasts, a universe where the animal expresses the uncivilised nature of this sensual and excessive force: where violence is standard. Like Jérôme Bosch’s mysterious figures, Shaw expresses, via the animal, the contemporary anguish of a misleadingly regulated world—one where fundamental instincts are repressed and carefully concealed. In the ornamentation, Shaw includes characters that are always present and active. These paradoxes are visible through the syncretic digression from furnishing types, such as the mantle clocks of rigidly styled Egyptian temples decorated with Greek ornaments and the garlands of fruit worn by a ram’s head mascaron. Raqib Shaw enriches the furniture, candlesticks, ancient Greek kraters, chandeliers and motifs faithful to the classicism of the Empire with deceptively bucolic animal scenes, with bears and monkeys indulging in activities that parody our own perception of society and power.  

Of Beasts and Super-Beasts seems to go beyond the decorative in order to question the role of art in Western society. How has art served to codify the social rapports between humans? Does increased sophistication enable humans to escape from their own animality?  
In 1998, Raqib Shaw left his native India and Kashmir for London, where he studied and still lives today. He graduated from London’s Central Saint Martins College, and has since presented his work within group exhibitions, including “Without Boundary” at the MoMA in New York (2006), “Around the World in Eighty Days” at the ICA in London (2006), the Suntory Museum in Osaka, Japan (2009) and the 17th Biennale in Sydney (2010). His recent solo exhibitions include a show at the Metropolitan Museum in New York (2008) and the Kunsthalle in Vienne (2009).  

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