Raphael Fabre

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Du travail de Raphaël Fabre émergent bien souvent des procédés destinés à tester la faculté de perception et de compréhension du spectateur, sa capacité à distinguer le réel du virtuel, le vrai du faux. A travers ses œuvres, c’est aussi les processus de l’identification et de la compréhension du récit qui intéressent l’artiste. L’Histoire et l’actualité, aussi officielles et admises soient-elle, ne seront toujours que des versions parmi d’autres des événements et les utopies anciennes trouvent de nombreuses incarnations dans les dystopies qu’il crée. Avec son recours à la reconstitution d’environnements, à l’exploration de l’univers du jeu vidéo et à la manipulation des images numériques, Raphael Fabre développe une réflexion fascinante en étudiant ces processus qui aboutissent à l’acceptation et à la validation du récit. Quand il réalise des installations immersives à la façon dont on reconstitue des décors, fictionnels ou existants, il invite son spectateur à s’immerger dans le récit et il brouille ainsi le principe fictionnel en donnant une incarnation troublante, testant par là même les limites d’une distinction entre le virtuel et le réel. Au-delà de reconstitutions théâtrales dans l’esprit d’un Robert Kusmirowski qu’il cite volontiers comme une référence artistique influente, certains de ses travaux tels que « CNI », une fameuse photographie d’identité qui l’a fait connaitre du public en 2017, explorent au contraire la façon dont ce décalage entre le réel et la fiction vient s’insérer dans la vie quotidienne et introduire des décalages inattendus. Le portrait numérique en 3D correspondant aux exigences de la préfecture a été produit avec une fidélité telle qu’aucune procédure de validation n’a pu empêcher la publication officielle du document, définissant in fine l’identité d’un individu reconstitué artificiellement, au moins son image. Ceci pose de nombreuses questions sur la place qu’occupe désormais le code dans ce maillage électronique qui se resserre toujours plus, transformant la vie et l’image en données artificielles par essence. Avec une certaine forme d’humour, il s’intéresse indirectement à la façon dont l’artiste, à l’instar du faussaire, peut avancer masquer tant qu’il excelle à ce qu’il fait. L’opposition persistante entre la réalité et la virtualité prend une toute autre dimension dans son travail. Faut-il nécessairement les opposer ? Les recherches de Raphael Fabre semblent permettre d’en douter.

Texte publié dans le catalogue du 63eme Salon de Montrouge

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