(English version bellow)
«La couleur me possède. Je n’ai plus besoin de l’attraper. Elle m’a conquis pour toujours, je le sais. La couleur et moi ne faisons qu’un. Je suis peintre»1
Paul Klee
Cette citation de l’artiste germano-suisse Paul Klee, qui s’est révélé en tant que peintre à lui-même grâce à un voyage en Tunisie en 1914, pourrait être la devise de tout peintre essentiellement habité par la couleur et Thameur Mejri pourrait, avec sa dernière série, Eroded Grounds, se faire l’un des plus beaux chantres de cette tendance. Les œuvres les plus récentes de ce jeune peintre tunisien ont atteint une maturité implacable et la splendeur d’une palette époustouflante qui suffirait à elles seule à légitimer l’excellence de son travail. Mais cela ne serait pas lui rendre justice, car le travail de peintre, tel qu’il le conçoit, n’est plus aujourd’hui seulement un défi chromatique. Car pour le jeune peintre, l’urgence est bien réelle et ne se laisse pas réduire à des considérations purement esthétiques ou intellectuelles.
Sa palette et ses compositions ont beaucoup évolué ces dernières années. La précision du geste et une intensité nerveuse ont visiblement remplacé une tendance picturale qui accordait alors plus d’attention à la scénographie. La complexité actuelle de ses compositions frappe à la fois par son équilibre précaire mais aussi par son efficacité. Elle est le témoin de la solidité de sa réflexion, de son incarnation dans son époque et du processus artistique mais aussi du cheminement intellectuel qui l’amènent à composer des peintures puissantes, foisonnantes et parfois même troubles sinon troublantes. La composition s’est étrangement resserrée et la lecture est entravée par une superposition faussement spontanée de lignes tracées au fusain, dont émerge tantôt la forme d’un pied, d’un bras, d’un squelette venant parfois s’écraser contre une forme colorée indéfinie.
Tandis que ses éléments iconographiques étaient disposées dans une composition qui s’apparentait plus à une scène, de théâtre ou de crime, où se déroulait une pièce en suspension, aérienne et plus lisible peut-être, les œuvres de la série Eroded Grounds frappent par la concentration et l’organisation sensible du chaos.
Si les couleurs sont devenues plus frontales et triomphantes, aucune ne parvient cependant à dominer ses grandes compositions. Chaque toile est devenue un champ de bataille où les couleurs s’affrontent et les toiles sont comme un paysage en feu où tout entre en conflit. Ses couleurs sont devenues plus franches, plus primaires, voire essentielles, revenant à des bleus et à des vermillons qui ne se mélangent guère, mais qui s’opposent et s’attaquent. La répartition des couleurs semblent évoquer la cartographie d’un territoire en tension, occupé de façon précaire par des forces en conflit permanent. La beauté qui émane de ses compositions et de ses couleurs est purement accidentelle, elle semble plus émaner du sublime et de la puissance que de l’organisation maitrisée des plages colorées. Les variations chromatiques de Thameur Mejri sont comme un hommage aux théoriciens de la couleur et épousent les critiques de Wassily Kandinsky contre le matérialisme, en faveur de degrés de compréhension du monde, par la forme et par la couleur, qui ont l’ambition de toucher au spirituel. Un spirituel désincarné, humaniste et universel. Sa palette rappelle parfois des grands moments de la peinture moderne et contemporaine, comme les Map de Jasper Jones (1961), et ses rouges orangés en opposition frontale avec des bleus d’azurs empruntent tout autant aux théories de la couleur de Goethe et de Johannes Itten, renvoyant aux principes des sensations de profondeur du dynamisme de la composition, reposant sur la juxtaposition des couleurs chaudes et des couleurs froides. Ce dynamisme n’est pas qu’un effet de composition mais induit une tension tout à fait instrumentalisée par l’artiste puisqu’il s’agit, par la couleur, d’assumer la confrontation, l’opposition et comme nous allons le voir plus loin, la violence et le chaos.
Malgré l’excellence artistique de Thameur Mejri, les racines d’un métier instruit, inspiré et savamment employées, ses recherches ne relèvent pas seulement d’une tradition picturale destinée à élever l’âme par la couleur et le geste. Éventuellement, mais pas seulement. « La liberté artistique ne peut pas être absolue, mais les limites peuvent être dépassées »2 est une maxime de Kandinsky que Mejri pourrait absolument faire sienne car il y a une urgence dans son travail, une urgence liée à la responsabilité qu’il assume pleinement d’être un jeune artiste tunisien, masculin, époux, frère, fils et père, dans un environnement arabo-musulman, et dans une société précise dont il est un acteur, comme tout un chacun. Ses peintures ne sont pas des fenêtres ouvertes sur un ailleurs, une fuite, un rêve. Ses peintures sont des miroirs qui cherchent à réfléchir l’image de la société telle que l’artiste la perçoit ; la société tunisienne, donc. Celles-ci sont ancrées dans le présent et assument avec pudeur mais courage des messages à la fois philosophiques, culturels, politiques et sociétaux que peuvent et doivent pouvoir êtres lus par ses contemporains.
La composition resserrée et largement dominée par la couleur est donc, plus qu’une fenêtre, un théâtre et sur cette scène se joue une pièce qui relève plus de la tragédie grecque que de la nature morte. Les tableaux de Thameur Mejri fourmillent d’éléments narratifs qui fonctionnent comme autant de rébus. Les objets existent pour ce qu’ils sont supposés représenter, en tant que tels, ce sont des fragments de corps, des ossements. Un autre niveau de lecture se joue cependant à l’échelle pictographique. Le pictogramme est une représentation graphique d’un concept destiné à incarner un usage ou une fonction dans l’environnement public. Ces images ont une fonction symbolique mais doivent pouvoir être identifiables par tous, spontanément, car ils indiquent des principes de dangers, d’urgence, d’attitude vitale. Si leur reconnaissance doit être une évidence, cela relève cependant d’un langage qui, par l’image, peut prétendre être universel, mais c’est justement là que l’artiste provoque son spectateur. Ce rébus qui se compose, recompose et décompose fait ressurgir des éléments banals, quotidiens (du moins dans les medias), et c’est ainsi que surgissent dans la composition une télévision, un téléphone, un bidon d’essence, un couteau, un hélicoptère, une scie, une pelle, des ciseaux, un avion et surtout, ce crâne humain omniprésent. Le spectateur pourra ressentir un malaise car la plupart des éléments renvoient à la communication, à la destruction et à la guerre. Le ballon de foot récurrent dans ses peintures et la présence de dessins d’enfants qui renvoient à une innocence perdue de l’artiste ne viendront que renforcer ce malaise. En effet, le spectateur commence à comprendre que la violence et l’opposition des couleurs se doublent d’une incarnation sémantique dans l’objet. Tous ces objets viennent raconter une histoire et les compositions de Thameur Mejri restituent sans filtre la profondeur d’une réflexion sur un monde qu’il juge malade. Il interroge les moyens de communication et les outils du langage pour atteindre ses contemporains quelque part malgré eux. Sa peinture est une succession de présences et ces présences racontent une histoire, celle du quotidien. D’où vient la société tunisienne, où va-t-elle et surtout, qu’est-ce qui domine le quotidien et le présent, comment construire le futur, comment parler à ses contemporains ? Tous ces éléments viennent traduire une émotion et un vécu de l’artiste qui s’assume comme témoins du présent. L’artiste transpose dans ses peintures ce qu’il vit et ce qu’il constate dans son environnement, l’absence notamment et selon ses termes, de projet de société, et le flou dans lequel flotte la société tunisienne et plus globalement le monde arabo-musulman, interrogeant la contribution aujourd’hui, de celle-ci, à l’histoire de l’humanité.
Le corps humain occupe une place à part dans le travail de l’artiste qui évoque parfois la lente appropriation de celui-ci et de son image en Europe à cause des transcendances spirituelles et de la relation entre l’image de l’homme du divin, mises en avant par la culture religieuse. Il aura fallu des centaines d’années à la sortie du Moyen-age et des conquêtes intellectuelles de la Renaissance pour permettre à la médecine et à l’art de pouvoir regarder, manipuler et restituer le corps humain. Cette conquête de son propre corps, l’acceptation de ses limites et de sa dimension purement charnelle n’a pas toujours été une évidence dans les différentes sociétés européennes et Mejri explore la façon dont le monde arabo-musulman conserve un rapport complexe et conflictuel sur le sujet, prétexte à tant d’autres refoulements. Au-delà de la représentation de l’interdit, c’est l’objet même du corps masculin qui devient ici l’arme de précision de l’arsenal iconographique du peintre. Ce corps de l’homme qu’il armait même dans la série de 2010 avec des phallus devenue l’arme du crime. Le corps humain peut être une machine à construire, à produire et à aimer mais il peut aussi être un instrument de la destruction, de la domination et de la mort. Suivant le schéma iconographique de l’artiste, le corps de l’homme et la société phallocrate qu’il entend maintenir est le principal responsable de la situation d’urgence culturelle, politique et sanitaire dans laquelle se trouve la société tunisienne, une société empêtrée dans la non-résolution de tensions issues de conflits insolubles entre la tradition et la modernité, le séculaire et le religieux, la fermeture et l’ouverture, le passé, le présent et l’avenir. Thameur Mejri, comme tous les artistes de sa génération, regarde de près les choix des élites de son pays et constate que les révolutions politiques dans l’Afrique du Nord et le monde arabe n’ont pas provoqué les prises de consciences nécessaires au changement des comportements, des mentalités et de facto, de politique. Des révolutions plus économiques, en sommes, que sociétales. Internet, les smartphones et donc la communication et la circulation des idées aident, mais la contre information et l’immobilisme de la classe dominante dicte toujours ses règles, malgré ces paradoxes.
La force de l’abstraction de la composition de Mejri repose sur un des principes frappant d’actualité des propos de Kandinsky. « L’artiste doit avoir quelque chose à dire, car sa tache ne consiste pas à maitriser la forme, mais à adapter cette forme au contenu ». Une nécessité intérieure devenue contrainte. La peinture de Mejri est un miroir avons nous dit, un miroir et non une fenêtre. Le peintre tient ce miroir et force sans concession ses contemporains à y observer leur reflet symbolique – le monde entier se tient, selon lui, dans ses toiles, ils y retrouveront la société dans laquelle ils évoluent dont ils sont responsables. Malgré tous ces indices, un certain flou continue de flotter sur les œuvres de Thameur Mejri, qui estime que « la peinture doit fuir pour être plus forte ». Ce flou est à l’image de la société tunisienne et des contradictions que l’artiste relève. La maitrise totale du langage est une illusion et nombreux sont ses contemporains qui n’ont ni le désir ni l’énergie ou le temps de comprendre ces enjeux fondamentaux et ces impératifs de changement. C’est précisément là où la peinture peut être plus forte que les médias et plus forte que l’information, car la peinture est le fruit de l’imagination et de la volonté. Dans ses oeuvres, Thameur Mejri semble mettre en scène une pièce de théâtre en un seul acte, regroupant l’ensemble des chroniques d’un désastre annoncé. Son titre, Eroded Grounds ne relève pas de l’action, celle-ci étant essentielle mais factuelle et parfois inutile, ce que la Révolution Tunisienne a notamment pu montrer. Eroded Ground évoque plutôt l’urgence d’une prise de conscience du contexte et de la racine même des problèmes. Sans cette prise de conscience réelle de l’ensemble de la société, aucune action ne sera efficace. Le sol va rompre et tout va s’effondrer.
Thameur Mejri est en effet un grand coloriste, mais pas seulement, c’est aussi un excellent stratège car dans cette dialectique de la couleur et du signe, il a fait de la première un drapeau qu’il agite constamment afin d’attirer l’attention de ses contemporains, par les sens et l’émotion, tandis qu’il emploie le second comme une arme de précision pour atteindre la raison.
Matthieu Lelièvre, Janvier 2019
1Paul Klee, Journal, 16 avril 1941
2Kandinsky, W., « Du spirituel dans l’art et de la peinture en particulier », 1911.

English Version
“Color possesses me. I don’t have to pursue it. It will possess me always, I know it. That is the meaning of this happy
hour: Color and I are one. I am a painter.”
Paul Klee
Inspired by a trip to Tunisia in 1914, German-Swiss artist Paul Klee proclaimed himself as a painter obsessed by colour. Fast forward to 2019, and painter Thameur Mejri cites the same influence of Tunisia and its rich landscape as the colour catalyst for his latest series, Eroded Grounds. The most recent works by the young Tunisian artist show progress and a cultivation of his palette. For the young painter, the urgency is very real and it is crucial to create works that are activated, and exist as more than aesthetic or intellectual stimulus.
It is commendable noting the evolution of his palette and compositions in recent years. The nuance of his paint strokes and erratic intensity have been replaced by an attention and meditation of objects. The current complexity of his compositions is striking both by its precarious balance and by its effectiveness. The current complexity is testament to the solidity of his reflexion, of his incarnation in his time and of the creative process but also of the intellectual endeavor which brings him to compose paintings that are powerful, abundant and sometimes even obscure if not unsettling. His compositions have become refined through distinctive and bold charcoal lines, which beguile you into following its path as it forms into the shape of a foot, an arm or a skeleton sometimes crushing against an undefined coloured shape.
Eroded Grounded is presented with allusions to a theatre or crime scene in which a play is taking place in suspension, ethereal and more readable. Although the colours have become more vivid, none of them manage to dominate Mejri’s compositions. Each canvas has become a battlefield where colours clash and canvases are like a burning landscape where everything is at war. Mejri’s colours have become more explicit, and reduced to, primary palettes of blues and hues of vermilion that antagonise each other on canvas. The distribution of colours seems to evoke the mapping of a territory in tension, occupied in a precarious way by forces in permanent conflict. Thameur Mejri’s chromatic variations are like a tribute to the theorists of colour and support Wassily Kandinsky’s criticism of materialism, in favour of understanding of the world, by form and colour, which have the ambition to touch the spiritual. His palette sometimes recalls great moments of modern and contemporary painting, such as Jasper Jones’ Map (1961), and his orange reds in contrast to azure blues borrow just as much from Goethe’s and Johannes Itten’s theories of colour, referring to the principles of depth sensations and the dynamism of the composition, based on the juxtaposition of warm and cold colours. This dynamism is not only a compositional effect but induces a tension that is completely instrumentalized by the artist since it is a question of assuming, through colour, confrontation, opposition and, as we see later, violence and chaos.
Despite Thameur Mejri’s artistic excellence, his research is not only part of a pictorial tradition designed to elevate the soul through colour and gesture. Mejri recalls Kandinsky Maxim’s philosphy that « artistic freedom cannot be absolute, but limits can be crossed » to express the need for urgency in his work to communicate the responsibility he fully assumes as a Tunisian artist, male, husband, brother, son and father, in an Arab-Muslim environment in which he is an actor, like everyone else. His paintings are mirrors that reflect the image of Tunisian society as perceived by the artist.
Thameur Mejri’s paintings are full of narrative elements that function as if they were rebuses. Objects exist for what they are supposed to represent, as such, they are fragments of bodies, bones. However, another level of reading is played out on a pictographic scale. The pictogram is a graphic representation of a concept intended to embody a use or function in the public environment. These images have a symbolic function but must be identifiable by everyone, spontaneously, because they indicate the principles of danger, urgency and attitude. If their recognition must be obvious, it is nevertheless part of a language that, through images, can claim to be universal, but it is precisely here that the artist provokes his spectator. This rebus, which is composed, recomposed and decomposed, brings up banal, everyday elements (at least in the media), and this is how a television, a telephone, a gas can, a knife, a helicopter, a saw, a shovel, scissors, an aircraft and, above all, this omnipresent human skull emerge in the composition. The viewer may feel
uneasy because most of the elements refer to communication, destruction and war. The recurring soccer ball in his paintings and the presence of children’s drawings that refer to the artist’s lost innocence will only reinforce this unease. Indeed, the viewer begins to understand that violence and the opposition of colours are coupled with a semantic incarnation in the object. All these objects tell a story and Thameur Mejri’s compositions unfiltered restore the depth of a reflection on a world he considers sick. He questions the means of communication and the tools of language to reach his contemporaries somewhere in spite of them. His painting is a succession of presences and these presences tell a story, that of everyday life. Where does Tunisian society come from, where does it go and, above all, what dominates daily life and the present, how to build the future, how to speak to one’s contemporaries? All these elements reflect an emotion and an experience of the artist who assumes himself as witnesses of the present. The artist transposes in his paintings what he experiences and what he sees in his environment, the absence, in particular and in accordance with his terms, of a social project, and the vagueness in which Tunisian society and more generally the Arab-Muslim world float, questioning the contribution of the latter today to the history of humanity.
The human body occupies a special place in the artist’s work, which sometimes evokes the slow appropriation of the artist and his image in Europe because of the spiritual transcendencies and the relationship between the image of man and the divine, highlighted by religious culture. It took hundreds of years after the Middle Ages and the intellectual conquests of the Renaissance to allow medicine and art to be able to look at, manipulate and restore the human body. This conquest of his own body, the acceptance of its limits and its purely carnal dimension has not always been shown in the different European societies and Mejri explores the way in which the Arab-Muslim world maintains a complex and conflictual relationship on the subject, a pretext for so many other refoulements. Beyond the representation of the forbidden, it is the very object of the male body that becomes here the weapon of precision of the painter’s iconographic arsenal. This body which in the artists 2010 series carries a phallus as a murder weapon. The human body can be a machine to build, produce and love but it can also be an instrument of destruction, domination and death. According to the artist’s iconographic scheme, the body of man and the phallocrat society he intends to maintain is the main responsible for the cultural, political and health emergency situation in which Tunisian society finds itself, a society entangled in the non-resolution of tensions resulting from insoluble conflicts between tradition and modernity, the secular and the religious, closure and openness, the past, the present and the future. Thameur Mejri, like all the artists of his generation, takes a close look at the choices of the elites in his country and notes that the political revolutions in North Africa and the Arab world have not generated the awareness necessary to change behaviour, mentalities and politics. Revolutions that are more economic, in short, than societal. The Internet, smartphones and thus communication and the circulation of ideas help, but the counter-information and immobility of the ruling class still dictate its rules, despite these paradoxes.
The power of the abstraction of Mejri’s composition is based on one of the striking principles of Kandinsky : « The artist must have something to say, because his task is not to master the form, but to adapt it to the content. An internal necessity that has become a constraint.” Mejri’s painting is a mirror, a mirror and not a window. The painter holds this mirror and forces his contemporaries to observe their symbolic reflection without concession – the whole world stands, according to him, in his paintings, they will find the society in which they live for which they are responsible. Despite all these clues, a certain blur continues to float over Thameur Mejri’s works, who believes that « painting must flee to be stronger ». This blur is in the image of Tunisian society and the contradictions that the artist points out. Total mastery of language is an illusion and many of his contemporaries have neither the desire nor the energy or time to understand these fundamental issues and imperatives for change. This is precisely where painting can be stronger than the media because painting is the fruit of imagination and will. In his works, Thameur Mejri seems to stage a one-act play, bringing together all the chronicles of a predicted disaster. Its title, Eroded Grounds, is not an action, which is essential but factual and sometimes useless, which the Tunisian Revolution was able to show. Rather, Eroded Ground refers to the urgency of becoming aware of the context and the very root of the problems. Without this real awareness of the whole society, no action will be effective. The ground will break and everything will collapse.
Matthieu Lelièvre, January 2019