Exposition des diplomé·e·s du grade Master des écoles d’art, de design et d’architecture de Normandie –
Du 3 au 22 novembre, dans l’église Saint Nicolas et dans le Scriptorium de l’Hôtel de Ville de Caen, l’exposition « Manière d’hybrider des mondes » rassemblera 60 diplômé·e·s 2020 de grade Master des écoles supérieures d’art et d’architecture de Normandie. Les travaux plastiques, graphiques et architecturaux de ces jeunes artistes, designers et Diplômé·e·s d’État Architecte ont été sélectionnés par l’historien de l’art et commissaire d’exposition indépendant Matthieu Lelièvre.
Après une première édition en 2019 à Rouen, c’est la seconde fois que les trois établissements d’enseignement supérieur Culture de Normandie – l’école supérieure d’arts & médias de Caen/Cherbourg, l’École Supérieure d’Art et Design Le Havre/Rouen et l’École nationale supérieure d’architecture de Normandie – unissent leurs efforts pour présenter un large panorama des créations de leurs diplômé·e·s.
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Manières d’hybrider des mondes
L’exposition des diplômé·e·s 2020 des écoles supérieures d’art, de design et d’architecture de Normandie est à plusieurs titres une édition singulière. La crise sanitaire a eu un fort impact sur la vie étudiante dans la sphère privée comme publique, individuelle et collective. Réunissant les travaux de 52 diplomé·e·s de grade Master (Bac +5), Manière d’hybrider des mondes constitue à la fois un exercice pédagogique et un projet professionnel, qui auront exigé que chacun.e fasse preuve de créativité dans l’adaptation de projets éventuellement interrompus ou de réactivité dans la création de nouvelles pièces, réalisées dans une période complexe.
Si la référence à des mondes peut comporter une part fictionnelle, cette notion ouvre d’infinies possibilités de concepts et de théories et l’empreinte du mot peut renvoyer aujourd’hui à l’accélération de certaines fragmentations de la société. Le titre de l’exposition détourne celui du recueil de textes philosophiques publié en 1977 par l’historien d’art Nelson Goodman et intitulé Manières de faire des mondes. L’auteur affirme notamment ne pas soutenir l’existence d’une pluralité de mondes, ni même d’un seul. Selon lui, fiction et non-fiction agissent d’une manière similaire sur les mondes réels. Dans la théorie platonicienne, la fiction est très éloignée de la vérité et ne possède aucune existence propre. Elle appartient au monde des simulacres. Cependant, pour Goodman, les mondes de fiction sont des mondes possibles, compris à l’intérieur du monde réel. Dans le chapitre des “mondes en conflits”, l’auteur interroge les vérités associées à cette pluralité de mondes. À travers certains modes de référence, une oeuvre participe à la construction d’un monde et comprendre ces mondes, même énigmatiques, c’est déjà préparer ceux à venir. Partir de ce titre est une façon d’interroger l’engagement, l’empreinte mais aussi la responsabilité des créateurs·rices dans la redéfinition en cours de nos modes de vies et de nos fonctionnements.
Ce projet d’exposition célèbre la capacité des participant·e·s à réconcilier le réel et la fiction et à tracer de nouvelles perspectives. Désignant habituellement le fait de croiser des variétés d’espèces pour arriver à de nouvelles catégories, le terme hybrider induit ici de nouvelles vérités, de nouvelles ontologies et donc, de nouveaux mondes. L’hybridation n’est pas un objet, mais une action qui transforme et modifie notre rapport à notre environnement. Si ce mot employé en art fait souvent référence à l’usage des nouvelles technologies, il semble ici relever plus d’une attitude qui consiste à croiser les formes de pratiques, de fonctions et de statuts à la fois des objets et des savoirs.
L’exercice de l’exposition de groupe et de présentation des diplômes réunit une large diversité de points de vue, de disciplines, de sensibilités et de préoccupations. Tout en prenant garde à ne pas relier cette diversité créative aux moyens de quelques généralités, il est remarquable que nombreux soient les travaux et les démarches qui placent le processus au cœur même de ces pratiques. Au lieu de s’enfermer dans des disciplines et des catégories, les diplômé·e·s croisent sans cesse les apprentissages et s’emparent des processus et des outils tant techniques qu’intellectuels. Cette résilience et cette détermination mises à l’épreuve et souvent renforcées par la crise sanitaire, semblent leur garantir une flexibilité et une capacité à répondre à des situations qui leur ouvriront de nombreux horizons. Une forme de désintéressement pour l’objet fini qui s’accompagne d’une dé-fétichisation de l’oeuvre semble ainsi se renforcer, pour laisser place aux méthodes, à l’inventivité et à la curiosité. Ce changement de paradigme est peut-être à mettre en relation avec le rejet croissant d’un monde saturé d’objets et d’une conscience écologique et sociale accrue. L’éphémère, la trace, l’histoire personnelle et collective, le processus et le temps constituent ainsi le socle de nombreuses réflexions artistiques.
Que ce soit par la mutation, la réhabilitation des lieux, la transformation des matériaux ou le détournement des procédés, cette exposition célèbre la tendance qu’ont ces jeunes artistes, designers et architectes à décloisonner les mondes et les univers et les encourage à poursuivre cette porosité qu’ils·elles semblent avoir fait, intuitivement ou non, une philosophie, au point d’enrichir le mot hybridation de sens nouveaux.
Matthieu Lelièvre
commissaire de l’exposition
Exposition du 3 au 22 novembre 2020
Église Saint-Nicolas et Hôtel de Ville de Caen – Salle du Scriptorium
L’exposition Manières d’hybrider des mondes est organisée par l’école supérieure d’arts & médias de Caen/Cherbourg, l’École Supérieure d’Art et Design Le Havre-Rouen et l’École nationale supérieure d’architecture de Normandie. Elle bénéficie du soutien de la Ville de Caen et du CROUS Normandie dans le cadre de l’appel à projets CVEC.
Merci à Valentin Guesdon et à Lola Li pour la conception graphique des supports de communication, et à chacun·e des participant·e·s ainsi qu’au collectif Manœuvre pour leur engagement dans ce projet.
Merci aux services techniques de la Ville de Caen et au Frac Normandie Caen pour leur soutien logistique.
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Avec : Benjamin André, Sosthène Baran, Arthur Belhomme, Chloé Bertic, Estelle Bodin, Nicolas Bosquet, Baptiste Bouchez, Maryse Bouyeure, Victor Bureau, Julie Canu, Jeanne Carré, Julien Carton, Jeanne Cattant, Noémie Cerra, Pauline Charpentier, Nicolas Chauve, Elsina Chauvelier, Silène Clarté, Marine Couchaux, Barbara Cuppens, Lucas Cyrille, Louise Delacroix, Louise Dubais, Camille Gatineau, Maxence Dury Gherrak, Marion Eudes, Manon Grimault, Valentin Guesdon, Trystan Hamon, Sijie He, Flora Huguenin, Bora Jung, Jason Quoniam, Morgane Knipper, Fleur Leclere, Marie Legros, Gaëtan Lehoux, Baptiste Leroux, Virginie Levavasseur, Lola Li, Si Liu, Pierre Marie, Lucie Pamart, Charlotte Paul, Sarah Penny-Tanase, Marion Phalip, Agathe Plaisance, Lorène Plé, Tom Sagit, Agathe Schneider, Aude Seigneur, Coline Serrus, Marin Soulier, Marie Telliez, Yi Zhang, Wenyu Zhang
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Exposition du 3 au 22 novembre 2020
Église Saint-Nicolas et Hôtel de Ville de Caen – Salle du Scriptorium
Du lundi au jeudi de 14h à 18h
Le vendredi de 14h à 17h
Les samedi, dimanche et jours fériés de 14h à 17h30
Entrée libre
L’exposition « Manière d’hybrider des mondes » bénéficie du soutien de la Ville de Caen et du CROUS Normandie dans le cadre de l’appel à projets CVEC.
Visuel de l’invitation : Valentin Guesdon