Crayons et passementerie

Les dessins préparatoires attribués au dessinateur d’ornement Charles-Germain de Saint-Aubin (1721-1786) constituaient trois cahiers de « grandes robes d’étiquette de la cour de France faisant suite au costume français », gravées en 1787 par Dupin fils.

Modèle de robe de cour (c) Musée des Arts décoratifs, Paris

LE GRAND HABIT

La structure
Cette série de dessins à la mine de plomb et à la plume rehaussés de couleurs aquarellées et de gouache illustrent le genre vestimentaire français appelé le « grand habit ». Le grand habit est le nom donné au costume féminin porté à la cour de France au XVIIe et au XVIIIe siècle. Il est composé de trois éléments invariables : le grand corps, la jupe et la queue ou bas de robe. Différencié du corps ordinaire par ses mancherons plissés et un large décolleté, le grand corps baleiné rigidifie le buste. Un grand panier ou jupon de toile raidie et élargie par des baleines ou de l’osier est dissimulé sous la jupe à laquelle il offre volume et ampleur . L’ensemble est complété par la queue, longue traîne amovible agrafée à la taille. Les étoffes et les parures établissaient une distinction entre la circonstance et le rang.
La broderie et l’ornement
Les oeuvres de Charles-Germain de Saint-Aubin complètent les descriptions contenues dans les mémoires et les lettres de ses contemporains. Ces commentaires s’attardent parfois sur la splendeur et les fastes déployés à la cour de Versailles lors des bals, des ambassades, des présentations et des cérémonies fréquentées par ces dames parées de robes brodées de pierreries, de fils métalliques ou de soie, rehaussées de fourrures, d’éléments en nacre ou encore de plumes. À l’occasion du mariage du duc de Bourgogne en 1697, la duchesse d’Orléans, « Madame », s’émerveille dans une de ses célèbres lettres de la profusion de velours brodés d’or, de boutons de diamants, de draps d’argent et de jupes de dessous aux rubans d’argent garnis de rubis et autres pierres précieuses qu’elle admire dans l’assemblée. Madame n’étant par nature pas la plus coquette des femmes, le lecteur trouvera à ce sujet plus de détails dans les mémoires de la baronne d’Oberkirch qui, à l’occasion de passages à la cour de Louis XVI s’est volontiers adonnée à la passion des modes, en particulier dans le salon de Rose Bertin dont elle en dresse le portrait.

CHARLES-GERMAIN DE SAINT-AUBIN
Edmond de Goncourt écrivait à propos des Saint-Aubin : « il est de ces familles qui vivent d’une industrie tellement rapprochée de l’art, qu’un beau jour les enfants ou les petits enfants sautent à pieds joints par dessus l’industrie paternelle, et passent à l’art ».
Autoproclamé « dessinateur du roi » sous le règne de Louis XV, Charles-Germain de Saint-Aubin (Paris 1721–Paris 1786), fils de brodeur et frère d’artiste, se situe à mi-chemin entre l’art et l’industrie. Encouragé par son père à se consacrer au dessin d’ornement, il obtient de son vivant un succès lui permettant d’affirmer : « on me nomme le premier de mon état ». La place particulière qu’il occupe entre le dessin et la broderie lui permet d’ajouter en 1770 dans son ouvrage L’Art du brodeur : « Je ne serais pas dessinateur, que je soutiendrais (…) que le dessin est la base et le fondement de la broderie. Il détermine les normes et la belle distribution, il donne de l’harmonie, règle les proportions, ajoute un nouveau mérite à l’ouvrage, par l’économie des différentes matières, et l’opposition ou le mélange des différents procédés ». Ses aquarelles séduisent par des couleurs douces, en parfaite harmonie avec un tracé nerveux et précis. Avec le fameux Essay de papillonneries humaines, cette série constitue un développement heureux et touchant de grâce et de légèreté dans le geste de la plume mais original aussi par son statut même. Il s’agit de dessins en grande partie fonctionnels dont on ne retient aujourd’hui pratiquement plus que la dimension historique et esthétique imposée par la distance entre le quotidien et cette forme de luxe.Distribués ou recyclés à la mort de leur propriétaire, les vêtements de cour sont rarement conservés, en particulier en France. Ces dessins raffinés témoignent des derniers feux d’une cour réglée par une étiquette principalement conservatrice mais sensible à l’agitation de la mode. Ils constituent un répertoire d’ornements original et un dialogue entre l’élégance, le charme du dessin parfois annoté et le dessin technique gravé contenu dans L’Art du brodeur.

Ce texte a fait l’objet de la plaquette lors de l’accrochage d’une sélection de dessins de Charles-Germain de Saint-Aubin, dans le cabinet des Arts graphiques du musée des Arts décoratifs. Pour acceder à la base de donnée du musée et aux autres images, cliquez ici.

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