Ludivine Large-Bessette

La caméra avance lentement sans vouloir prendre le temps de laisser les protagonistes s’exprimer, sortir du cadre ou s’effondrer. Semblant indifférente à ce qu’elle capture, avec la certitude et la puissance d’un corps céleste elle poursuit sa course, symbolisant en quelque sorte l’implacable élan du temps insaisissable que l’on ne peut freiner. La Ronde de Ludivine Large Bessette s’élance pour ne plus s’interrompre.
Adaptation#10, 2015 – Impression jet d’encre
donne à son médium une maturité et une puissance plastique qui sembleraient relever presque du modelage ou du dessin. Ses images expriment une force émotionnelle couplée à une sensation physique brute entretenues par une relation très physique et incarnée entre l’image et le son. La caméra avance, donc, emportant avec elle le spectateur absorbé par le dispositif. Celui-ci, immergé et obligé de faire sienne la marche du temps, s’arrêtera à l’occasion sur les visages, les gestes des individus frappés, de façon aléatoire. Le destin est matérialisé par le regard, cet acteur voyeur si déterminant pour l’artiste.
Les personnages sont frappés les uns après les autres, comme par hasard, et chutent. Une sorte de roulette russe que certains nommeraient Destin vient donner tout son sens à la vie à mesure qu’elle s’échappe des corps. Cette vie apparait en négatif, dans la réaction inquiète des vivants ou, au contraire, dans leur indifférence. Mais tous sont atteints par surprise, comme ces modèles de la série des « Men in the cities » de Robert Longo, une référence que l’artiste assume volontiers.
A la façon des danses macabres du Moyen Age, connues notamment par le « dit des trois vifs et des trois morts », retranscrits depuis des poèmes dans des livres enluminés ou encore connu à travers des peintures murales du 13eme  au 16eme siècle, les morts s’imposent aux vivants et nous ne savons plus à la fin qui envahit le monde de l’autre. La caméra semble alors incarner le rôle de la Faucheuse unissant les morts comme les vivants dans cette ronde, sorte de vanité mobile.
La pesanteur du corps, des corps en dialogue, ou bien seuls à travers leur gestuelle mais aussi à travers la danse, constitue l’un des aspects les plus fascinants et les mieux maîtrisés du travail de Ludivine Large-Bessette, en particulier dans un autre film intitulé « Low » ou encore « adaptation » une superbe série photographique.
Texte publié dans le catalogue du 62eme Salon de Montrouge

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